
PORTRAITS
coleen belembert:
"C'est ce que j'ai toujours voulu faire"
Coleen a su très vite qu’elle voulait poursuivre une carrière de cuisinière. À travers des stages dans plusieurs restaurants, l’étudiante a déjà une première expérience de son futur métier… et de ce que c'est qu'être une femme en cuisine.
Coleen Belembert a découvert la cuisine en faisant de la pâtisserie avec ses grands-parents. Lors d’une journée d’immersion au lycée hôtelier du Touquet, à quelques kilomètres de chez elle dans le Pas-de-Calais, l’adolescente de 17 ans se rend à l’évidence: "Je me suis dit à ce moment-là que c’était la voie pour moi", sourit-elle.
L’étudiante, native de Berck-sur-Mer, termine un Bac pro cuisine au lycée hôtelier où elle a effectué sa journée d’immersion quelques années plus tôt.
Son cursus est ponctué par deux stages par an. "Ils durent un mois à chaque fois et le lycée choisi notre établissement hôte", explique Coleen. Le stage peut être loin de chez soi et c’est la première expérience professionnelle pour la plupart des étudiants. Cela oblige à "grandir d’un coup", gagner en maturité et bien travailler, car le monde de la cuisine est petit.
"Quand t’es stagiaire, tu fais ce qu’on te dit"
L’étudiante a terminé son dernier stage en mars. Si ceux-ci lui ont permis d’acquérir une expérience forte en cuisine, ils lui ont aussi enseigné des leçons de vie plus ou moins positives. "J’ai entendu beaucoup de réflexions du type: "Les femmes n’ont pas à être en cuisine", "Les femmes sont faites pour la plonge"... Il faut avoir du caractère." Surtout quand les réflexions sexistes se transforment "limite" en "mains aux fesses et insultes, mais quand t’es stagiaire, tu fais ce qu’on te dit", raconte-t-elle d’une voix résignée. Le harcèlement et la violence dans le monde de la restauration ne sont pas des faits nouveaux pour l'étudiante.
À 17 ans, Coleen a déjà compris qu’il valait mieux pour sa carrière de ne rien dire. "J’ignore les remarques. On peut prévenir le lycée, mais il vaut mieux ne pas trop répondre car ça peut se retourner contre moi."
"J’ai entendu beaucoup de réflexions du type: "Les femmes n’ont pas à être en cuisine", "Les femmes sont faites pour la plonge"... Il faut avoir du caractère"
Heureusement, Coleen a aussi rencontré des chefs respectueux et elle a pu compter sur le soutien et les encouragements de ses parents. "C’est ce que je veux faire, mais quand le lieu de stage était comme ça tous les jours, je voulais juste arrêter, c’était dur, je ne voulais plus." Mais l’apprentie est engagée, donc elle poursuit son stage.
Ce n’est pas le cas de ses camarades. "Nous ne sommes que quatre filles dans une classe de 14, indique-t-elle. Il y a toujours eu moins de filles dans mes classes. Elles se découragent quand on leur dit qu’elles ne sont pas faites pour ça ou alors elles partent en service, où elles sont plus à l’aise."
Coleen, elle, préfère le produit au service et "la fierté" de voir une assiette faite de ses mains. "Je me vois m’améliorer d’année en année", se réjouit-elle.
Lors d’un stage dans une cuisine où la chef, la commise et les apprenties sont toutes des femmes, Coleen demande au patron pourquoi il a choisi d’en inclure autant. Il lui répond que les femmes sont plus minutieuses lors du dressage des assiettes, mais aussi pendant la préparation. Et Coleen voit la différence avec les autres stages qu’elle a pu faire: "Une femme explique beaucoup plus et remontre comment faire. J’ai eu des stages où on ne m’expliquait rien." L’adolescente préfère quand le chef est une femme pour ces raisons, mais sait qu’elle parviendra à son but, quoi qu’il arrive et qu’importe le chef.
Comme beaucoup d’étudiants en hôtellerie, Coleen compte débuter sa carrière dans un restaurant avant de se lancer seule et ouvrir son propre établissement, "de préférence dans le sud de la France".
Photo: Géraldine John